Writing and Translating the Intimate: Vital Signs, a work of digital literature about food by Geneviève Sicotte
Sherry Simon & Geneviève Sicotte
Deprivation
Deprivation
At the age of 25, I was living alone in a small, run-down apartment.
Poor, in debt, always waiting for the next contract. I tried to eat as little as possible. Every day I exhausted myself with sports. My period had stopped.
Money and food. An obsessive, unending process of calculation linked the two.
From this time, almost nothing remains. Fog, except for one thing that cut through. My parents had just divorced, my mother more absent and disconnected than ever, lost in the labyrinth of madness, and my father inhabited by a sense of guilty relief resembling despair.
The blade of reality entered my flesh. And the discipline I imposed on myself dulled the pain.
One day as I was coming home, I saw on the sidewalk a bag of groceries, an ordinary white plastic bag. Inside there were onions, carrots and a big rutabaga. Winter vegetables, hearty, with strong flavours. Forgotten or abandoned on purpose, left for whoever wanted to pick them up. I grabbed them. I was happy, I had found a treasure.
I don’t remember what I cooked. Probably a purée, plain but comforting with bouillon, a little bit of butter, salt and pepper. Purée for a lone young woman.
You find your roots as you can.
I would like to think that on that day the underworld sent me messengers. Humble, simple – but powerful. As if they were saying: “Take us, eat us, you will see…”
Privation
À vingt-cinq ans, j’habitais seule un petit appartement vétuste.
Pauvre, endettée, toujours dans l’attente du prochain contrat. J’essayais de manger le moins possible. Chaque jour, je m’épuisais à faire du sport. Mes règles avaient cessé.
L’argent et la nourriture. Une comptabilité obsessive, inlassable, les réunissait.
De cette époque, il ne me reste presque rien. Un brouillard, à l’exception d’une chose, tranchante. Mes parents venaient de divorcer, ma mère plus absente et déphasée que jamais, égarée dans le labyrinthe de la folie, et mon père habité par un soulagement coupable qui ressemblait à du désespoir.
La lame du réel entamait ma chair. Et la discipline que je m’imposais émoussait cette douleur.
Un jour, alors que je revenais chez moi, j’ai vu au bord du trottoir un sac d’épicerie, un banal sac de plastique blanc. Dedans il y avait des oignons, des carottes et un gros rutabaga. Des légumes d’hiver, rustiques, aux saveurs fortes. Oubliés là, ou laissés volontairement à qui voudrait bien les ramasser. Je m’en suis emparée. J’étais heureuse, j’avais trouvé un trésor.
Je ne sais plus ce que j’ai cuisiné. Sans doute une purée, austère mais réconfortante, avec du bouillon, une noix de beurre, du sel et du poivre. Purée pour une jeune femme seule.
On trouve ses racines comme on peut.
J’ai envie de croire que ce jour-là, le monde souterrain m’a envoyé des messagers. Humbles, simples – mais puissants. C’est comme s’ils me disaient : « Prends-nous, mange-nous, tu verras… »