Compagnie
Jean-Marcel Morlat
Compagnie
Île Saddle, Red Bay, le 19 août
L’île préférerait qu’on la laisse seule :
rocher escarpé et arthritique, touffe sèche de broussailles,
vieil homme entêté le dos tourné au monde,
ignorant la bruine régulière de touristes attirés
par une écurie mineure de sites historiques :
Dépotoir du Dorsétien recelant un éparpillement
d’ossements et d’outils de pierre ébréchés aussi vieux
que la maison de Dieu,
les tombes de baleiniers basques lestées
à l’aide de rangées de rochers granitiques tels de grossiers boutons
sur le vieux manteau de la terre.
Visiteurs immobilisés par le poids amoindri
de ces vies-là, leur silence tenant compagnie
aux autres silences plus longs.
L’île, pendant ce temps, est occupée à oublier,
les baleiniers dépouillés de leurs visages par un fin linceul
de sol acide, leurs foyers de pierre affaissés
et avalés par une sombre bouche de ronces.
Navire délaissé et incliné à l’abri du vent, orange bruni
par la rouille, son nom rongé sur la proue.
Dernier arrêt, un poste de guet de baleinier ouvert
et pourrissant sur une saillie rocheuse nue,
vestiges de bois et de fanons sur la terre noire
semés par le vent, parcelle de terre maintenant
aussi somptueuse sous les pieds qu’un tapis à poils longs.
L’impression peu profonde nichée dans la mousse
par le poids de chaque nouvelle arrivée
effacée avant que l’île ne soit laissée derrière.
Company
Saddle Island, Red Bay, August 19th
The island would rather be left alone:
arthritic crag of stone, dry tufts of scrub,
contrary old man with his back to the world,
ignoring the steady drizzle of tourists drawn
by a minor stable of heritage sites:
Dorset midden harbouring a scatter
of bone and chipped stone tools as old
as the house of God,
the graves of Basque whalers weighted
with rows of granite rock like crude buttons
on the cold coat of the earth.
Visitors stilled by the diminishing heft
of those lives, their silence keeping company
with other, longer silences.
The island, meanwhile, is busy forgetting,
the whalers stripped of faces by a thin shroud
of acidic soil, their stone firepits fallen in
and swallowed by a dark mouth of bramble.
Abandoned freighter tilted in the lee, burnished orange
with rust, her name eaten from the bow.
Last stop, a whaler’s lookout stoved in
and rotted on a bare rock ledge,
the black earth remains of wood and baleen
seeded by the wind, a patch of sod now
plush as shag carpet underfoot.
The shallow impression lodged in moss
by the weight of each new arrival
erased before the island is left behind.