la peinture des îles
Jean-Marcel Morlat
La peinture des îles
À première vue, la côte d’îles
est dénuée d’arbres, un monochrome beige ou gris,
les collines au loin écorchées
ou polies comme une meule travaillée au couteau.
D’étroites vallées de vert émergent de l’ombre
tandis que l’on vogue en leur sein,
bosquets d’épinettes naines dans un sol fin,
leurs racines des vrilles de pierre ;
de blanches ramures de neige scintillent dans les hautes crevasses,
des prairies de mousse couvrent les promontoires au dos chancelant
aussi propres qu’un gazon fraîchement coupé.
Dans les trois brefs mois d’un été nordique
les champs de blanche bruyère et de chèvrefeuille
trouvent assez de grâce pour s’épanouir,
des boisseaux de bleuets mûrissent
dans la moiteur de la pluie d’août.
Pour peindre les îles convenablement
il faut les voir de près,
pour connaître la lumière qui habite leur obscurité –
moments de rouille et de bronze dans
le terne rocher de granite,
le tourbillon napolitain de lave en fusion
fissurée à travers le grain des coteaux.
Lorsqu’on se rapproche de Nain, les îles
sont d’un noir nu et bruni,
éclat métallique du soleil de l’après-midi
capturé par de longues lames de mica
incrusté dans la surface
et pour les quelques minutes que cela prend
de naviguer au-delà les pierres
sont animées par la lumière.
Painting the islands
At first glance the coast of islands
is treeless, a monochrome beige or grey,
the hills in the distance flayed
or worn smooth like a whetstone worked by a knife.
Narrow valleys of green emerge from shadow
as you sail into them,
stands of dwarf spruce in thin soil,
their roots tendrilled to stone;
white antlers of snow glitter in high crevices,
meadows of moss cover the sway-backed headlands
clean as a freshly mown lawn.
In the brief three months of a northern summer
fields of white heather and honeysuckle
find grace enough to bloom,
bushels of blueberries ripen
in the wet of August rain.
To paint the islands properly
you have to see them up close,
to know the light that inhabits their darkness –
moments of rust and bronze in the dull granite rock,
the Neapolitan swirl of molten lava
fissured through the grain of hillsides.
Approaching Nain, the islands
are bare and burnished black,
metallic glint of the afternoon sun
caught by long blades of mica
imbedded in the surface
and for the few minutes it takes
to sail beyond them the stones
are alive with light.