Writing and Translating the Intimate: Vital Signs, a work of digital literature about food by Geneviève Sicotte
Sherry Simon & Geneviève Sicotte
Escape
Escape
Near my house, there were a corner with a few stores: a small drugstore, a shoemaker, a bakery. A little further away was a park next to an empty lot that we called the field, and a railway track where freight trains would slowly shunt by.
After school I sometimes walk in that direction, following a route that always brought me back to the bakery.
Without even entering, I was immersed in the delicious vanilla smell coming from inside the store. In the window display: the babas whose name I loved, the éclairs and the mille-feuilles with their shiny icing, and the rum balls, my favourite, dense and chocolatey…
In the midst of these treats, despite the lure of the sugar, what I most coveted were the oval rolls. Piled high in a basket, they were plump with hard, pointy edges. I imagined under the crust a soft elastic centre that would be lovely to chew. A card folded in half next to the basket displayed the price: 10 cents.
My face pressed against the window, I thought it over. This price was within my reach. I could afford to buy three or even four.
And then, not a plan, but a daydream…
At four o’clock, instead of going home, I set off. I was dressed for walking, warm boots, mittens, a tuque… Deep in my pocket, silver coins. I had secretly prepared the piece of checkered cotton I would make into a bundle to carry on a stick. In the bakery, I bought my provisions.
Then I walked to the park and across the field. New pathways were conjured up, drawing imaginary vanishing lines. I found a job in a travelling circus, sheltered by bohemians speaking a musical language. I was called Ginger. I became an acrobat, a show dog trainer, a violinist… I lived in a caravan, following my dreams, and I had adventures.
Fugues
Près de la maison, il y avait un coin de rue avec quelques commerces : une petite pharmacie, un comptoir de cordonnier, une pâtisserie. Plus loin, un parc bordé d’un terrain vague que nous appelions le champ, et une voie ferrée où des trains de marchandise passaient lentement.
Il m’arrivait d’aller de ce côté après la classe, au gré d’une promenade qui me ramenait toujours vers la pâtisserie.
Sans même entrer, je baignais dans l’odeur gourmande et vanillée que la hotte soufflait au-dehors. En vitrine, les babas dont j’aimais le nom, les éclairs et les mille-feuilles, au glaçage luisant, les boules au rhum, mes favorites, chocolatées, denses…
Malgré l’attrait du sucre, au milieu de ces délices, c’étaient les petits pains ovales que je convoitais. Entassés dans un panier, ils montraient un centre renflé et des bouts pointus et durs. Je devinais sous leur croûte une mie élastique que j’aurais plaisir à mâcher. Un carton plié en deux et posé à côté en annonçait le prix : 10 cents.
Le visage contre la vitre, je réfléchissais. Cette dépense était à ma portée. J’avais ce qu’il fallait pour en acheter trois, quatre même.
De là, non pas un plan, plutôt une rêverie…
À quatre heures, au lieu de rentrer, je partais en balade. Habillée pour marcher, mitaines, cache-col et tuque… Au creux de ma poche, les pièces de monnaie. J’avais préparé un baluchon en secret, un tissu à carreaux noué sur un bâton. J’entrais à la pâtisserie faire mon achat, et j’y plaçais mes provisions.
Puis je continuais vers le parc et par-delà, je traversais le champ… Des chemins s’inventaient, en lignes de fuite imaginaires. Je trouvais un emploi dans un cirque ambulant, accueillie par des bohémiens qui parlaient une langue musicale. On m’appelait Ginger. J’étais acrobate, dresseuse de chiens savants, violoniste… Je vivais dans une roulotte, à ma fantaisie, et il m’arrivait des aventures.