Writing and Translating the Intimate: Vital Signs, a work of digital literature about food by Geneviève Sicotte
Sherry Simon & Geneviève Sicotte
Nourish
Nourish
Milk. A ripe banana. Frozen fruit for the acidic, fresh taste. Perhaps a bit of almond butter, a drop of maple syrup. It’s hardly a recipe. Pour in the blender and mix until the consistency is smooth.
It’s with practice that you end up finding the best texture, a food that is to be drunk. It is gentle, easy food that flows smoothly from outside to inside. That connects the body with the world.
Between us, this became a ritual. Despite the noise of the blender, that clashed with the intimacy of the scene being played out. Despite the darkness of mornings still carrying traces of the night, the early waking, the grumpiness. Despite the departure for school that hustled the minutes.
The years went by, childhood gave way to adolescence. Today it’s the breakfast of an ogress that has replaced the smoothie. But the pleasure does not wear out: watching my daughter eat the food I offer her.
I had feared so many tempests. Adoption chanced like a throw of the dice, the dread of not knowing how to be a mother. The wounds of this baby that traced out, in an alien yet familiar way, the circle of my own life. Mute terrors, repressed grief, that weighed on me.
And yet, something happened.
Roots broke through the earth, sap began to flow, shoots burst into flower.
The food that flows between us, it speaks to me of life.
Nourrir
Du lait. Une banane bien mûre. Des fruits congelés, pour l’acidité et la fraîcheur. Au choix, peut-être un peu de beurre d’amande, un filet de sirop d’érable. On ne peut pas dire qu’il y ait vraiment une recette… Mettre au mélangeur et laisser tourner jusqu’à consistance lisse.
C’est à force d’en faire qu’on finit par trouver la texture idéale, celle d’un aliment qui se boit. Une nourriture douce, assimilable, qui coule sans heurt du dehors au dedans. Qui met en lien le corps et le monde.
Entre nous, cette habitude a pris l’allure d’un rituel. Malgré le bruit du mélangeur, qui jurait avec la scène intime qui se jouait. Malgré la noirceur du matin encore attaché à la nuit, le sommeil interrompu, l’humeur lourde. Malgré le départ pour l’école qui bousculait les minutes.
Les années ont passé, amenant la fin de l’enfance, puis l’adolescence. Aujourd’hui, un petit déjeuner d’ogresse a remplacé le smoothie. Mais je n’épuise pas ce plaisir : voir ma fille manger la nourriture que je lui offre.
J’avais redouté tellement de tempêtes. L’adoption hasardée comme un coup de dés, la crainte de ne pas savoir être mère. Les blessures de ce bébé, inconnues et pourtant familières, qui retraçaient le cercle de ma propre vie. Peurs sourdes, deuils ravalés, qui lestaient mes gestes.
Et pourtant, quelque chose s’est créé.
Des racines ont creusé la terre, des sèves se sont mises à couler, des pousses ont fleuri.
Cette nourriture qui circule entre nous, elle me parle de la vie.