Musulmane lesbienne
Sylvie Nicolas
Musulmane lesbienne
Il a dit : tu ne peux pas être l’une des nôtres
et l’une des leurs :
c’est l’un ou c’est l’autre
c’est à prendre ou à laisser.
Du ton détestable d’un vendeur d’assurance.
Elle a dit : tu es un oxymore,
mais pas une idiote
pourquoi t’attacher à une religion
où les femmes sont reléguées au dernier rang?
Fière d’être originaire de Bosnie-Herzégovine.
Un pays aux frontières bombardées, façonnées en forme de cœur;
un cœur qui a failli cesser de battre quand j’étais enfant.
Ma famille a survécu de justesse
au génocide de notre nation hybride :
mi-slave
mi-ottomane
pas entièrement ceci ou cela.
Cette année, Sarajevo a tenu son premier défilé de la Fierté gaie.
Il n’était pas commandité par les grandes banques,
Walmart, Pepsi ou les grandes compagnies aériennes.
Le décollage
d’anciens rêves
enfermés dans le cockpit de mon cœur.
J’ai atterri avec un excédent de bagages :
le désir spontané
d’oublier Toronto et Montréal
l’été prochain
de m’envoler vers Sarajevo
d’arpenter la rue Tito
de chanter Solidarnosc
dans la langue de ma mère
le lendemain du jour de la Famille traditionnelle
l’autre défilé
où les femmes portent le hijab
et prient solennellement pour mon âme.
Plus tard, je nous ai imaginés au vieux marché,
au Baščaršija, notre quartier chéri,
à manger de la pita krompiruša
ma femme canadienne, nos enfants, moi
et une femme vêtue d’un magnifique hijab,
une cousine éloignée, peut-être,
qui aurait pu être,
ou aurait pu devenir,
une grande amie.
Muslim lesbian
He said, you can’t be one of us
and one of them:
it’s one or the other,
take it or leave it.
I didn’t like his salesman tone.
She said, you’re an oxymoron
but not an idiot—
so why are you attached to a religion
that forces women to the back rows?
Proud to be from Bosnia & Herzegovina.
A country sculpted by bombarded borders into a heart
that almost stopped beating when I was a child.
My family barely survived
the genocide of our hybrid people:
half Slav,
half Ottoman,
neither wholly this nor that.
Sarajevo held its first Pride Parade this year.
It wasn’t sponsored by big Banks,
Walmart, Pepsi or major Airlines.
Old dreams
took off
held sealed in the cockpit of my heart.
I landed with excess baggage:
unsolicited desire
to skip Toronto and Montreal
next summer,
fly to Sarajevo
march down Tito Street
chanting solidarnost
in my mother tongue
past the Day of Traditional Family
Counter Parade
where women in hijabs
solemnly pray for my soul.
Later, I image us all mingling in the old bazaar,
our beloved Baščaršija,
eating pita krompiruša
me, my Canadian wife and children,
and a woman in a stunning hijab,
who may be a distant
cousin,
who might have been,
might still become,
a dear friend of mine.